Quand j’ai pris le temps d’écrire les histoires qui suivent c’était en fait une impérieuse nécessité. Celle-ci me gagnait  certains lendemains de garde ou en rentrant le soir après une journée de travail. Les émotions, les visions,  traduites et jetées sur le papier comme elles venaient sans tenir compte de la forme me soulageaient. Cette sorte d’exutoire devenait un rituel. J’exécutais seul et spontanément tout simplement ce que le psychologue appelle le « defusing ». Cette technique de relater à un tiers ce que l’on a vécu comme difficile permet de continuer la vie, de repartir au travail.  Elle nous est héritée de techniques psychologiques mise au point par l’expérience des guerres, quand les soldats terrorisés après leur retour du front n’étaient plus apte à la vie normale.

Dans le langage commun, ces écrits sans relecteur, seul face à ma seule conscience s’affichaient plutôt comme des confessions.

Petit à petit les anecdotes les remarques sur mon métier d’urgentistes se sont accumulées au fil des années et de ces nécessités. Je ne les relisais jamais.

Un jour pourtant, alors que certains épisodes étaient déjà lointains et enfouis dans ma mémoire j’ai retrouvé le fichier sur un disque dur. J’ai imprimé quelques pages. Leur relecture m’a ému, a recréé des sentiments et des impressions  vives. J’ai redécouvert que mon métier était beau alors que je commençais  à m’y essouffler. C’est alors que  J’ai alors décidé de mettre un peu plus en formes ces souvenirs, de les préciser en interprétant avec l’usure  du temps des épisodes pour plus les détailler. J’ai emprunté à ma mémoire des brides diffuses de plusieurs histoires vécues pour n’en faire des fois qu’une. Peu importe tout y a existé d’une certaine façon et les sentiments sont eux bien réels.

Une sorte d’élan profond  me poussait chaque jour un peu plus pressent pour  transmettre tout cela même si la réécriture étaient un épreuve difficile.

Ma quarantaine passée n’est  pas étrangère à ce nécessaire aboutissement.

Mes enfants grandissent et l’adolescence terminée de mon ainé me rappelle déjà un passé personnel que je perçois encore si proche. J’ai la crainte de voir se refermer le livre de ma vie dont les pages tournent sans cesse plus vite sans y avoir  laisser ni transmis ce témoignage.

C’est une des raison qui m’ont décidés à cet exercice difficile pour quelqu’un qui n’est pas expert dans l’art de l’écriture .

  Qurantenaire c’est l préiode de mi parcours si tout se déroule comme on l’espère car j’ai appris par mon métier que l’aléa existe et que la prudence s’impose.

Cette période de la vie est charnière et beaucoup se posent des questions métaphysiques. Je perçois peut-être ma jeunesse encore proche mais c’est avec une certaine maturité que j’ouvre les portes en grand de la deuxième partie de ma vie pour un saut dans l’inconnu de mon futur.

Mes peines, mes joies mes angoisses existentielles, mon quotidien a été rythmé et modulé, sans aucun doute par mon métier. Ce que je pense aujourd’hui également.

Je suis urgentiste et c’est un métier singulier.

C’est en tout cas ce que me disent tous ceux qui ne le sont pas :

-vous faites un métier dur que je ne pourrai pas faire.

Je n’en pense néanmoins pas moins souvent du leur. Faire part de mon métier en relatant quelques histoires quotidiennes pourrait suffire à remplir des pages. Ce n’est  pas ce qui m’a poussé à cet exercice difficile de l’écriture. Je rencontre au fil de journées et des nuits de mon travail des hommes et des femmes dans des situations très particulières de leur vie.

La maladie, l’angoisse, la souffrance, la folie, le désespoir les attirent vers la lumière blanche des urgences, toujours allumée 24 heure/24.

Quelqu’un toujours répond toujours à la sonnette de la salle d’attente.

Plus leur souffrance est grande, plus la fin est proche et plus ils me semblent égaux ou tout simplement terriblement humain.

Leur grandeur, leur courage sont toujours remarquables.

Il ne me semble pas que cela  leur appartient, cela est en quelque sorte universel.

Pourquoi ne pas témoigner de tout cela, la sérénité qui s’en dégage m’a rassuré ?

Sur quel prétexte de sacro saint secret faudrait –il que je garde pour moi seul ces expériences qui angoissent souvent les hommes et les femmes qui les ignorent ?

Ainsi donc a travers le filtre particulier de ce qui m’a poussé à retranscrire mes lendemains de garde qu’une partie de ce qu’est mon métier je vous invite a le découvrir et a mieux comprendre qu’il n’y a pas que le malade et le thérapeute mais aussi les hommes et leur relation.