Grave party


C’est à notre tour.

Tous les ans une rave party est organisée sur la région. Pour pas qu’elle cela ne se déroule n’importe où, les autorités donnent aux organisateurs un lieu de jeux. Cela tourne entre les départements de façon à répartir les efforts.

Les réunions en préfecture, les organisations des accès sont prévus, les urgences sont mises sur le pied de guerre pour l’occasion.

Le paysan dont les champs ont été choisit râle, les habitants aussi car personne ne veut de la chose. Il faut trouver un endroit pour abriter les vaches, la musique techno risquant sans doute de faire tourner leur lait.

Ils arrivent ensuite de partout et nulle part. Une seule idée en tête étrange : bouger, subir les assauts rythmiques répétitifs qui ébranlent le sol, leurs tympans et leurs corps pendant tout un week end nuit et jour Et puis ils s’en vont comme ils sont venus. Les colonnes d’enceintes sont démontées  et la nature retrouve sa quiétude, les vaches leur pâturage, un peu piétiné. Cette migration annuelle s’accompagne malheureusement aussi de son cortège d’urgences. C’est un vrai cours supérieur de toxicologie pour les internes. Les mélanges les plus fous sont essayés.

De la bière avec du whiskie , du verre pillé ….

De rails, en snifs, et shoots, on boit on avale des comprimés que l’on connaît pas, mélangé à l’alcool, ces excès ravageurs aboutissent dans le service aujourd’hui.

Les pompiers amène un jeune illuminé qui a essayé de casser une voiture à coup de poings. A première vue il paraît normal. Il me dit d’ailleurs que tout va bien, sauf qu’il me raconte une histoire un peu étrange.

-Je suis  le grand rassembleur des nouvelles forces.

Me dit-il sans sourire. Son armée est en route. Les membres de cette nouvelle légion ont  uniforme bleu et ils vont refaire un monde meilleur.

Je l’hymne de son nouveau monde : poum tchak, poum tchak, poum tchak et zou un ectasy, poum tchak, poum tchak.

Il est convaincu de son rôle . Il aperçoit depuis la chambre où il a été installé, derrière moi une infirmière qui passe dans le couloir. Elle a la tenue de bloc avec sa blouse bleue. Bleue ! biensûr elle aussi fait partie de son armée.

Il a pris des trucs. Des comprimés que lui adonné un gars qu’il ne connaît même pas.

-C’est quoi ce comprimés?

-Je sais pas il m’a dit que c’était top , il y avait un bleu ….

A mon avis il a basculé dans la psychose ou n’en ai pas loin avec ce petit coktail.. Je ne l’espère pas pour lui. Il aurait pu continuer à délirer comme çà tranquille dans le champs, poum tchak, poum tchak.

Le problème est qu’il est aller voir les gendarmes qui étaient sur place  pour les enrôler dans son armée… et oui eux aussi ils avaient une chemise bleue. Comme ils n’étaient pas vraiment d’accord et qu’ils avaient déjà fort à faire avec l’armée de rigolos qui se trémoussaient partout en gobant des trucs bizarre, il s’est énerve et a commencé à cogner à coup de pied et de poing dans une voiture qui était là. Sans doute n’était-elle pas bleue. Il n’est pas sujet à la toxicomanie d’habitude selon lui.

-Ben je fume de l’herbe de temps en temps comme tout le monde.

Là il va falloir qu’il redescende d’ici demain. Il vient d’être embauché dans un restaurant réputé du coin à l’essai comme cuisinier, si il leur flanque du bleu de méthylène dans les plats pour les rendre conforme avec sont nouvel ordre établi, cela ne va pas le faire.

J’ai à peine terminé avec lui, que les pompiers me ramène une raveuse cette fois. Elle est à moitiée nue,  en Petite culote et soutien gorge en collier, sanglée sur le brancard.. Elle hurle. Elle ne semble pas mécontente, ces hurlements semblent se rapprocher plus du plaisir. Mes pompiers en ont plein les yeux car elle est plutôt mignonne et cela les change des petites vieilles qu’ils doivent aller chercher quand elles tombent de leur lit la nuit. Je m’approche d’elle,  elle me regarde avec les yeux illuminés et brillants, me tend les bras que l’on vient de lui détacher.

-Oui toi, viens me faire l’amour.

Me dit-elle comme propos liminaire.

C’est pas tout les jours qu’on me le dit comme cela. Cela déconcerte, mais confirme que ces cris n’étaient pas de la souffrance.

Elle hurle à nouveau.

 

A ouiiiiiii, bon dieu c’est bon…

Le pompier qui pousse le brancard manque d’en faire une syncope.

Je ne sais pas ce qu’elle a pris elle, mais à priori c’est efficace.

Ils l’ont trouvé en vrac sur un talus, elle tourbillonnait sur elle même. Vu le soleil qu’il y a elle doit être déshydraté. J’espère que vu les propos qu’elle tient ils ne sont pas quinze à lui être passé dessus.

Je suis obligé de l’attâcher sur le brancard et de lui faire faire un injection pour la calmer. C’est la seule façon de lui faire un bilan et de lui poser une perfusion pour la réhydrater. Il est impossible de la raisonner. Le lendemain matin, elle ne se rappellera plus de rien du tout , sauf qu’elle avait léché au produit sur le bras d’un gars qui lui avait proposé…. Elle aussi n’a aucune vie dissolue, étudiante bien rangée normalede 21 ans. Je suis abasourdi, qu’est-ce qui a pu la motiver ?

-Mais pourquoi avez vous pris un produit comme cela ?

-Pour m’éclater…

Je n’ose pas lui raconter le détail du spectacle qu’elle nous a donné hier. J’espère simplement pour elle, qu’elle n’a pas été violée plus ou moins considérée comme consentante vu son état. Je lui relate cela et elle semble alors prendre conscience des risques.

Nous avons fait toutes les sérologies, un test de grossesse. Elle n’a rien contracté pour le sida il faudra refaire un nouveau dosage dans quelques semaines. Elle en sera quitte pour une attente angoissée.

 

Dans la chambre à coté, il y a un expert de la rave. Lui il est venu avec le van, la cam et tout. Il se rend aux urgences spontanément car cette fois le trip espéré n’est pas comme d’habitude et pas au moment prévu.

-Vous avez pris quoi aujourd’hui ?

-Rien de particulier. Hier soir on s’est fait un rail avec les copains, dans la soirée on a pris des acides ett on s’est couché vers 6 heures, mais j’ai pas réussi à me lever. Je me suis pissé dessus, et ça s’est pas normal . Cela doit être l’eau.

Et ben voyons, l’eau ferrugineuse sans doute ? me dis –je intérieurement.

Il est sérieux. Il m’explique alors que très souvent dans les bouteilles qui trainent les gars mettent des produits variés et divers. D’habitude il fait gaffe et ne boit que ces bouteilles à lui. Là il a bu dans celle qu’il à trouvé.

Il va pas trop mal, et ce nouveau Dr House arrive à me décrire les symptômes normaux et anormaux des trips selon les toxiques avalés.

 

-Plutôt « grave » ce trip là, me dit-il.

Ce qui l’inquiète le plus est de ne pas avoir maitrisé tout le processus de son intoxication volontaire.

 

La rave se termine. Mes collègues ont eu aussi leur lot de réquisitions par les forces de l’ordre de délirants. Cette fois ci se n’est pas comme il y a deux ans aucun mort à déclarer en plus.

Les gendarmes à la sortie du champ ont décidé de contrôler une voiture sur cinq. Et bien entendu les conducteurs sont encore à moitié raides … le train train de la fin de rave durera jusqu’à une heure du matin.

Ouf l’année prochaine se ne sera pas chez nous.  A moins qu’on ne décide de façon sans doute un peu licite d’arrêter de laisser des jeunes assez peu matures risquer leur vie sous prétexte de s‘éclater.

Un bon footing, une bonne bouffe entre amis, une répétition de musique,  une virée en mer ou dans la campagne,  il va falloir que j’explique au moins à mes enfants que s’est moins risqué et pas mal pour s’éclater.